L'effondrement du pont de Baltimore : quels effets sur le commerce maritime mondial ?


Les images spectaculaires de l'effondrement du pont de Baltimore le 26 mars 2024, suite à la collision du porte-conteneur MV Dali avec l'une des piles de ce pont, ont fait le tour du monde. L'occasion de dépasser l'approche catastrophiste des médias et de proposer des ressources pour aborder la question de la mondialisation maritime selon une appoche géographique.  




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Cartographie et littérature


La collection Libre cours des Presses Universitaires de Vincennes consacre un volume aux relations entre Cartographie et littérature, signé par Laurence Dahan-Gaida. L’ouvrage interroge l’impulsion cartographique qui nous conduit à dessiner des cartes pour nous orienter dans l’espace et y projeter nos déplacements virtuels. 

Présentation de l'ouvrage

La nécessité de nous orienter dans l’espace pour y projeter nos déplacements a donné aux cartes une importance cruciale pour notre existence. Cette impulsion cartographique est ici interrogée par le biais d’aller et retours entre géographie, cartographie et littérature. L’ouvrage interroge l’impulsion cartographique qui nous conduit à dessiner des cartes pour nous orienter dans l’espace et y projeter nos déplacements virtuels. Toute carte est une sorte de diagramme qui modélise l’espace grâce à une présentation spatiale et iconique de ses relations. Or le texte littéraire est aussi un dispositif de modélisation qui exploite les ressources du langage pour faire émerger un temps, un espace, un monde. Plutôt que d’opposer la cartographie des géographes à celle des écrivains, on les aborde ici comme des dispositifs cognitifs qui médient entre l’intelligible et le sensible pour générer à la fois un espace et un savoir sur cet espace.

Laurence Dahan-Gaida est professeure de littérature comparée et directrice du Centre de Recherches Interdisciplinaires et Transculturelles. Elle dirige la revue en ligne Epistemocritique et est auteure de nombreuses études sur les relations sciences/littérature.


Table des matières

Introduction (à lire sur le site de l'éditeur)

Chapitre 1 – La raison cartographique

La carte et le diagramme                                             

Épistémologie de la carte                                                                              

Chapitre 2 – Les approches géocentrées de la carte en littérature

La carte dans la littérature                                                            

Lieu, espace, territoire     

De la géographie humaine à la géographie littéraire               

Chapitre 3 – Matérialités de la carte

Le croquis topographique : I Wouldn’t Start from Here           

De la carte papier à la carte numérique… et au tableau          

Chapitre 4 – Géométries de l’espace : lignes et fractales

Cartographier par la ligne                                                              

Le Chant des pistes                                                                          

Lignes d’erre et lignes de trajectoires                                       

De la représentation à la performance : l’art nomade          

La physionomie du combat                                                        

Une cartographie fractale                                                           

Chapitre 5 – L’art du tableau et la science du paysage

La pensée du paysage                                                                  

L’artialisation du paysage                                                            

La physionomie du paysage, entre science et arts     

Écrire le paysage                                                                           

Cartographier le paysage                                                             

Chapitre 6 – Cartographies de la littérature

Entre géographie et géométrie : les cartes-diagrammes de Moretti                                            

De la carte à la trame                                                                   

Conclusion                                                                                      

Bibliographie       
           

Articles connexes   





Un océan de livres : un atlas de la littérature mondiale



Imaginer demain. Chroniques cartographiques d'un monde à venir


Que vous connaissiez déjà ou non les cartes imaginaires de Julien Dupont, il faut aller découvrir le bel ouvrage qu'il vient de publier aux éditions Armand Colin Imaginer demain. Chroniques cartographiques d'un monde à venir (mars 2024). Vous y découvrirez des espaces imaginaires (pas si futuristes !) dans lesquels se déroulent déjà une partie de nos vies à l'ère de l'Anthropocène. En empruntant le chemin de l'art et de la cartographie, l'auteur nous y offre « des transpositions, des comparaisons, des allers-retours entre passé, présent et futur, en mêlant prospectives et prophéties, à travers des expériences cartographiques artisanales ».

Julien Dupont, alias @Kartokobri

Julien Dupont, que l'on peut suivre sur le réseau X-Twitter ou à travers son blog Kartokobri. Cartographies imaginaires, est professeur d'histoire-géographie en collège à Vaulx-en-Velin et grand passionné de cartographie. Il s'est fait connaître à travers une série de cartes réalisées quotidiennement pendant le premier confinement (voir par exemple sa cartographie de Clustland ou celle de Moncovideo). Pour le making-off, on peut se reporter aux explications sur le site Visionscarto ainsi qu'à l'interview de l'auteur pour le Café pédagogique.

La cartographie imaginaire, c'est l'art de faire rêver et aussi d'attirer le regard par le choix des titres, par le découpage et le collage qui permettent de « créer des espaces improbables, en les fondant pour créer de nouveaux lieux, de nouvelles proximités » (voir par exemple sa carte dystopique de l'Europe, ses Continents à la dérive ou encore ses zones de guerre transposées). Les cartes qu'il dessine et peint à la main s'inscrivent dans un imaginaire réaliste. Ses fictions cartographiques oscillent entre sentiment d'émoi et humour face à l'actualité. Ce qu'il nous met sous les yeux, c'est à la fois la gravité du monde d'aujourd'hui et ce qui nous permet d'entrevoir d'autres possibles :

Je dessine des cartes et les utilise comme supports pour formaliser des lectures du monde, en partant de l’idée qu’une carte peut raconter une infinité de choses vues, vécues, racontées, comprises et surtout peut-être, incomprises. À travers elles, j’essaye d’interroger des faits, de développer des histoires, de fixer des mémoires, en détournant les lignes, les contours, les toponymies... 
Je réalise ces cartes à la main (crayons de couleur, feutre, plus généralement à l’aquarelle), et elles sont donc, par nature, fausses, géométriquement suspectes. Les dessiner moi-même me permet de m’approprier ces morceaux de monde, d’y poser un récit, une histoire, une explication plausible, une extrapolation. 

Présentation de l'ouvrage

Comment s’imaginer le monde de demain ? Comment le représenter ? Quels vont être les impacts sur notre vie des changements climatiques, des crises migratoires, des inégalités qui se creusent, des guerres à venir ?

Raconter demain, réfléchir aux possibles, c’est mieux se préparer aux grands défis qui nous attendent. Maniant une imagination réaliste, Julien Dupont propose dans ce livre une vision scénarisée de notre avenir par les cartes. S’appuyant sur des données scientifiques (les rapports du GIEC, les données de l’Office mondial des migrations, l’INSEE, des travaux universitaires) enrichies de ce que nous propose la fiction (littérature, cinéma, séries), il cartographie les espaces et met en avant, parfois de manière étonnante voire troublante, la manière dont notre environnement va changer dans les années à venir. Écosystèmes, habitat, ressources, frontières, migrations, technologies, etc., sont déclinés au fil de ces chroniques cartographiques, qui vont de la prospective réaliste à court terme à la dystopie la plus poussée.

Une lecture subjective et sensible de l’auteur, qui encourage le lecteur à s’interroger à son tour et à construire sa vision personnelle des futurs de notre monde.

Quelques cartes pour imaginer notre futur climatique

Si Julien Dupont stimule notre imagination, ce n'est jamais gratuitement mais bien pour parler de notre monde et des menaces qui pèsent sur lui. Il ne cherche pas à imposer un regard, mais plutôt à suggérer des scénarios possibles. Et si ces scénarios peuvent paraître pessimistes, il s'agit le plus souvent d'éviter le pire : imaginer le futur, y compris dans ses scénarios les plus funestes, pour mieux déterminer nos choix dans le présent.

Il est bien difficile de faire une sélection tant ses cartes imaginaires ont chacune leur originalité. En voici quelques-unes pour vous donner un avant-goût de ce qui nous attend si l'on ne prend pas des mesures pour ménager notre futur climatique :



Sommaire de l'ouvrage

Avant-propos. Quelques stations d'anticipation cinématographiques des années 1950 à nos jours - La littérature d'effondrement.

1 – Scènes d'exposition. La scénarisation du futur. North Sentinell / North Oléron en 2124 : rester à l'écart - A propos des scénarios du Giec : nous sommes quelque part par-là (mais ça bouge tout le temps) - Planisphère de la montée des eaux après la fonte du dernier glacier et une élévation de la mer de 54 mètres - Cinq îles et archipels en voie de submersion - Comment représenter les inégalités de développement ? - Chamonix demain : trois scénarios de sortie de modèle.

2 – Le premier rôle. La trace de l'Homme. Ile Cocos (Costa Rica) - Les zones sans doute inhabitables en 2100 - Des lacs en voie d'asséchement - Migingo, lac Victoria. L’Amazonie - De Manaus à l’Amasaônie - Désert d'Amazonhara, été 2224 - La vie de château en 2224 (Post-Anthropocène).

3 – L'Épice. Nos ressources et nos besoins. Hashima : épuiser les ressources et puis évacuer les lieux - Les resources de la dernière chance ? - Pangea Proxima - Le XXIIe siècle chinois - Groenland, saison estivale 2224 - La ruée vers l'or en Antarctique - Pripiat et alentours - Loin des zones irradiées, survivre dans les hautes terres du Drômardèche vers 2124.

4 – Le décor. Notre stream quotidien. Malé (Maldives) : la ville partout (et au-delà) - Villes et bidonvilles d'hier, aujourd'hui et demain - De l'île des Manhattes à la cité engloutie de Manhattan - Vivre dans les interstices : le rond-point de Croix-Luizet - QR Code City. Urbex (Exploration urbaine) - Paris, après les Grandes Pluies de la fin du XXIe siècle - La planète des câbles.

5 – Les chemins et les lieux (mobiles, immobiles). Diego Garcia : être déplacé sur la Terre. L'impossible retour aux sources - Christmas Island (Australie) : un territoire schizophrène - La Méditerranée submergée - La Méditerranée évaporée - Pantelleria : le vent du sud - L'île de Sète, après la rupture des cordons littoraux (2124) - Un détail du vaisseau Aurora (Kim Stanley Robinson)

6 – Happy End. Fin tragique ou Cliffhanger. Un autre monde est-il toujours plausible ? - Tikopia, une île résiliente ? - Le Sahara humide - Une Afrique utopique - Le Jour d'après ? Traverser la Manche et fuir les zones gelées (2124) - Collaps Peninsula : imaginer la fin du monde - Le monde de demain (en une soixantaine de langues).

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Appel à communications - La carte, œil de l’histoire (XVIe-XVIIIe siècle)


Appel à communications sur le site de la BnF : La carte, œil de l’histoire (XVIe-XVIIIe siècle)

Selon le cartographe anversois Abraham Ortelius (1527-1598), la géographie est « l’œil de l’histoire », reprenant une expression déjà courante et en passe de devenir un véritable topos décliné en diverses formulations dans les siècles suivants. Cette expression illustre le lien étroit qui unit histoire et géographie, tout en posant une relation d’inféodation de la seconde par la première. Dans cette perspective, la géographie est perçue comme une discipline auxiliaire à l’histoire et un instrument utile à sa compréhension. La géographie permet ainsi de rendre visibles et lisibles les lieux dans lesquels s’est déployé le récit historique sous toutes ses formes. Il n’est pas surprenant que l’érudit français Pierre Le Lorrain de Vallemont (1649-1721), auteur des Éléments de l’histoire en cinq tomes, affirme à la fin du XVIIe siècle que « l’Histoire est aveugle » sans le secours de la géographie, puisqu’elle est sa « mémoire locale ». Selon lui, il y aurait une différence notable entre un individu qui lit simplement l’histoire d’Alexandre et celui qui l’étudie à l’aide d’une carte géographique sous les yeux. Le premier n’aurait qu’une connaissance imparfaite sur le conquérant macédonien, tandis que le second serait le « témoin » direct de son expédition. Ici, Vallemont introduit la carte géographique comme un outil visuel indispensable pour comprendre l’histoire antique. La relation entre histoire et géographie, souvent étudiée de manière théorique, en se fondant sur les traités, les manuels d’histoire et de géographie, s’articule de manière spécifique si l’on pose l’objet cartographique comme point d’observation. La carte, dispositif graphique de visualisation de réalités spatiales, se prête largement à l’observation de phénomènes historiques. Par histoire, il faut ici l’entendre dans une acception élargie comme l’inscription de temporalités plurielles comprenant l’histoire sainte ou profane, l’histoire ancienne, médiévale ou moderne, jusqu’à l’histoire naturelle, civile ou militaire. L’objectif de cette journée d’étude est de réinvestir le couple carte et histoire dans l’empan chronologique du XVIe au XVIIIe siècle. Il s’agit d’interroger cette relation à travers l’étude des cartes elles-mêmes, comme objet d’un savoir historique et selon trois axes de recherche.

Le premier axe porte sur les cartes dans l’enseignement et la lecture de l’histoire. L’expression d’« œil de l’histoire » suggère que la géographie – et en son sein la cartographie – est un complément aidant à l’apprentissage, à l’écriture et à la lecture de l’histoire. La carte apparaît comme un instrument essentiel pour connaître et reconnaître les phénomènes du passé. Dans le sillage des travaux de François de Dainville sur les collèges jésuites ou de ceux de Pascale Mormiche sur l’éducation des princes, cet axe vise à renouveler notre compréhension sur les relations entre géographie et histoire à partir de l’examen des discours et des pratiques attachées à l’usage des cartes dans l’enseignement de l’histoire du XVIe au XVIIIe siècle. Il pourra s’agir à la fois d’examiner les traités historiques et géographiques qui théorisent et tentent de normer cette relation, que les atlas qualifiés d’« historiques » revendiquant l’interconnexion entre les deux domaines savants, ou encore d’analyser les programmes d’enseignement de diverses structures éducatives. À partir de ces documents, il conviendra de se pencher sur les discours portés par les cartes, les atlas ou les ouvrages historiques afin d’y débusquer des traces matérielles qui renseignent sur les usages concrets des cartes dans les pratiques de lecture ou d’apprentissage de l’histoire : annotations manuscrites, cahiers d’écoliers, brouillons, etc.

Le deuxième axe s’attache plus spécifiquement à documenter l’histoire sur et par les cartes. L’expression d’« œil de l’histoire », dans un sens premier, invite à penser la carte comme un lieu d’ordonnancement de savoirs historiques et de représentation de phénomènes du passé, notamment à travers la stratification de différents registres graphiques : tracé cartographique, toponymes, cartouches, vignettes historiées, textes ou données numériques (dates par exemple). Par sa capacité synoptique, la carte favorise la spatialisation d’une situation historique, qu’il s’agisse du tracé évolutif des frontières, de la forme changeante des villes, ou de la représentation de zones du globe récemment explorées. Les cartes servent autant à représenter l’histoire immédiate – à l’instar de celles qui sont produites pour suivre les événements militaires et diplomatiques dans le sillage de la naissance de l’imprimé d’actualité – que des situations plus éloignées dans le temps, en lien avec l’émergence progressive de la cartographie historique liée à l’histoire sainte, antique et médiévale. Cet axe invite à examiner les dispositifs visuels et textuels des cartes mobilisant l’histoire sous différentes formes (civile, militaire, naturelle) tout en réfléchissant aux enjeux politiques et épistémologiques déployés dans les cartes. On réfléchira aussi à leur place dans les ouvrages d’histoire, à leur articulation avec le matériau textuel et aux effets de leur mise en relation. 

Enfin, un troisième axe invite à penser la porosité, voire l’indistinction, qui existe entre les producteurs de matériaux historiques et cartographiques. Les liens entre les deux domaines savants sont en effet manifestes si on s’intéresse à leurs acteurs. Les rédacteurs d’ouvrages historiques peuvent ainsi être impliqués dans la conceptualisation graphique de cartes accompagnant leurs écrits, tandis que l’ingéniosité de certains géographes favorise la mise en images de l’histoire sur les cartes. En outre, certains imprimeurs-libraires produisent et vendent à la fois des documents historiques et cartographiques, sans parler des graveurs parfois sollicités pour les deux types d’entreprises. Enfin, dans une période où la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’histoire et de la géographie sont encore en construction, des individus porteurs des titres d’« historiographe », de « géographe » ou de « cosmographe » peuvent s’investir autant dans la production de savoirs cartographiques qu’historiques. On cherchera par exemple à comprendre comment les cartographes effectuent un véritable travail d’historiographe, par la recherche de sources et leur confrontation critique, quand à l’inverse les historiens manipulent et discutent le matériau cartographique. En dépit de l’expression d’« œil de l’histoire », ce dernier axe vise à repenser le lien de subordination entre carte et histoire, relation qui n’est plus aussi claire et évidente si on la pose du point de vue des producteurs et de leurs pratiques.

Ces trois axes, qui peuvent être abordés simultanément, permettent de réfléchir à la relation entre l’objet cartographique et l’histoire entre les XVIe et XVIIIe siècles. Dans le cadre de cette journée d’étude, il conviendra de croiser les approches et d’associer les recherches en sciences humaines et sociales à d’autres historiographies. Le cadre géographique de cette journée d’étude s’articule principalement autour de l’Europe et ses extensions impériales, sans pourtant s’y restreindre. En effet, des communications sur d’autres espaces pourront être proposées afin d’élargir la perspective et la réflexion de la journée d’étude sur les liens entre carte et histoire.

Modalités de soumission

Les propositions en français ou en anglais, d’une longueur maximale de 300 mots, et accompagnées d’un bref curriculum vitæ, devront être envoyées à oeildelhistoire2024@gmail.com avant le 15 mai 2024.

Modalités d’organisation

Avec le soutien du Centre Alexandre-Koyré (CAK) et de la Bibliothèque nationale de France (BnF), la journée d’étude aura lieu le mardi 8 octobre 2024 dans la salle de conférences du département des Cartes et Plans de la BnF sur le site Richelieu (Paris).

Les organisateurs prendront en charge les repas, les frais de déplacement, et dans la mesure du possible d’hébergement pour une nuit. La journée d’étude se déroulera exclusivement sur site.

Organisateurs 

Oury Goldman, docteur de l’EHESS et chercheur associé à TEMOS

Lucile Haguet, docteure et conservatrice de la bibliothèque municipale du Havre

Catherine Hofmann, conservatrice au département des Cartes et plans de la BnF

Geoffrey Phelippot, docteur de l’EHESS et membre du CAK

Bibliographie indicative

Svetlana Alpers, « L’œil de l’histoire : l’effet cartographique dans la peinture hollandaise au 17e siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 49, 1983, p. 71-101.

Jean-Marc Besse, « Historiae oculus geographia : cartographie et histoire dans le Parergon d’Ortelius », Écrire l’histoire, vol. 4, 2009, p. 137-146.

Jean-Marc Besse, Les Grandeurs de la Terre, Aspects du savoir géographique à la Renaissance, Lyon, Éditions de l’École normale supérieure, 2003.

Grégoire Binois, « La cartographie militaire au XVIIIe siècle, une cartographie historique ? », Hypothèses, vol. 19, n° 1, 2016, p. 41-51.

Jeremy Black, Maps and History. Constructing images of the Past, New Haven/Londres, Yale University Press, 1997.

François de Dainville, La Cartographie, reflet de l’histoire, Genève/Paris, Slatkine, 1986.

François de Dainville, « Les découvertes portugaises à travers des cahiers d’écoliers parisiens de la fin du XVIe siècle », dans : Michel Mollat et Paul Adam (dir.), Aspects internationaux de la découverte océanique aux XVe et XVIe siècles, Paris, SEVPEN, 1966, p. 39-46.

François de Dainville, La géographie des humanistes, Paris, Beauchesne, 1940.

Matthew H. Edney, « History and Cartography », dans : Matthew H. Edney et Mary Sponberg Pedley (eds.), The History of Cartography, Volume 4: Cartography in the European Enlightenment, Chicago, University of Chicago Press, 2020, p. 624-631.

Walter Goffart, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570–1870, Chicago, University of Chicago Press, 2003.

Lucile Haguet, « Comme des sœurs qui s’y tiennent par la main… », Écrire l’histoire, vol. 3, 2009, p. 125-133.

Catherine Hofmann, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800), pouvoirs et limites de la carte comme “œil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des Chartes, t. 158, 2000, p. 97-128.

Pascale Mormiche, « L’utilisation des images dans l’éducation des princes français (XVIIe-XVIIIe siècles) », dans Images et imagerie, Paris, Éditions du CTHS, 2012, p. 103-122.

Pascale Mormiche, Devenir prince – L’école du pouvoir en France, Paris, CNRS Éditions, 2015.

Daniel Nordman, « La géographie, œil de l’histoire », Espaces Temps, vol. 66-67, numéro spécial Histoire/géographie, 1. L’arrangement, 1998, p. 44-54.

Monique Pelletier, « Les géographes et l’histoire, de la Renaissance au siècle des Lumières », dans : Apologie pour la géographie : mélanges offerts à Alice Saunier-Seïté, Paris, Société de Géographie, 1997, p. 145-156.

Daniel Rosenberg et Anthony Grafton, Cartographies of Time: A History of the Timeline, Princeton, Princeton Architectural Press, 2013.

Informations pratiques

8 octobre 2024

BnF, site Richelieu, département des Cartes et plans, salle des conférences

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Rubrique Cartes et atlas historiques


« Nous avons demandé à une IA de cartographier nos histoires à travers New York »


Créée en 2019, l'agence de presse non lucrative et non partisane The City souhaite être « au service de tous les New Yorkais ». Elle s'est donné pour priorité de garder à l'esprit la diversité géographique lorsque ses rédacteurs et journalistes attribuent, écrivent, photographient ou éditent des articles. Afin de pouvoir vérifier cette égalité de couverture dans le traitement de l'information, la plateforme numérique a demandé à ChatGPT de trouver et de cartographier tous les emplacements mentionnés dans ses articles depuis 2019. 

Le résultat est Where AI Mapped Our Stories, une carte interactive des 2 773 emplacements identifiés à partir de 4 159 articles du journal en ligne The City. La carte présente deux vues principales : une vue choroplèthe montrant la densité de couverture par quartier et une vue en mode points localisant les 2 773 lieux cités dans le journal sur la période 2019-2023.
   
Densité de couverture par quartier entre 2019 et 2023  (source : Where AI Mapped Our Stories)


Localisation détaillée des articles de The City par année (source : Where AI Mapped Our Stories)


Selon l’analyse produite par l'IA, les articles publiés semblent couvrir l'ensemble de la ville de New York et ne pas se limiter aux quartiers aisés qui ont tendance à attirer le plus l’attention des médias. Cependant certains quartiers sont moins mentionnés que d’autres, l’est du Queens et Staten Island étant relativement absents. La densité de couverture journalistique est particulièrement forte dans le CBD, ce qui reflète la centralité de la presqu'île de Manhattan. 

Il est à noter que ChatGPT n'a pas été en mesure de géolocaliser toutes les histoires. Il n'a pu reconnaître que les lieux explicitement nommés dans les articles. Il a fait des erreurs sur certains lieux indistincts ou au contraire en multipliant les lieux lorsque ceux-ci apparaissaient dans le même article sans que l'histoire s'y réfère précisément. L'analyse s'est heurtée aussi au problème des noms de quartiers correspondant à des limites géographiques assez floues. Le New York Times en a fait une carte qui donne une représentation de ce phénomène de frontières fluides entre quartiers (An Extreme Detailed Map of New York). Il a donc fallu procéder à des vérifications et recourir en complément à des méthodes plus traditionnelles. Pour autant, le recours à l'IA a permis de gagner du temps par rapport à l'écriture d'un code spécifique dans une application dédiée. Cela nécessite cependant de soigner l'écriture des instructions qui doivent être claires et explicites. Voici le prompt qui a été donné à ChatGPT :

Vous êtes un data scientist et un cartographe. A partir de ce texte, effectuez une analyse sémantique et renvoyez les données géographiques : 'Quartier :', 'Nom de la rue :', 'Landmark :', 'Coordonnées géographiques :'. Pas d’autres textes s’il vous plaît

Le recours à l'agent conversationnel ChatGPT d'OpenAI a été jugé globalement positif par The City d'après l'article qui présente le détail de cette expérience : « À une époque où le journalisme considère l'IA comme un substitut potentiel aux coûts des reportages produits par l'homme, en tant que rédaction à but non lucratif, nous considérons les technologies comme un moyen de remplir notre mission : l'IA générative peut aider à créer des outils comme cette carte qui nous permet d'être plus réactifs envers les communautés que nous servons ». Il est vraisemblable que l'IA va se développer considérablement dans les années qui viennent pour chercher, sélectionner et représenter des données géolocalisées. Non sans entraîner des changements profonds pour le métier de data journaliste et pour de nombreux autres métiers manipulant du code informatique et des données géonumériques.

Lien ajouté le 8 mars 2024
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Pour aider à géolocaliser des photographies, Bellingcat propose un outil de recherche simplifié à partir d'OpenStreetMap

Des outils d'IA gratuits pour identifer un lieu à partir d'une photographie

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Climate Change Explorer, un outil cartographique pour visualiser les projections climatiques


L'application en ligne Climate Change Explorer offre la possibilité de visualiser les projections climatiques dans sa ville pour les décennies à venir. Les analogies sont calculées en comparant les climats prédits à un endroit avec les climats connus pendant la période 1970-2000.

Explorateur du changement climatique (source : Climate Change Explorer)


Pourquoi cette application web ?

« Imaginer ce que nous ressentirons sur notre lieu de vie dans le futur est difficile, même pour une climatologue ! Comment mes 2°C de plus en moyenne annuelle vont-ils se manifester ? Les analogies me permettent de développer cet imaginaire, d'aller voir et ressentir aujourd'hui, ailleurs, le climat que j'aurai chez moi demain » (Nathalie De Noblet-Ducoudré, climatologue)

« Limiter le changement climatique et s'y adapter est sans doute le grand défi de ma génération au niveau mondial. Il est important de se rendre compte du champ des possibles, tant pour se motiver à limiter ce changement que pour se préparer à la part qui est déjà inévitable  »  (Corentin Barbu, leader du projet)

Climats historiques de référence

L'application utilise les données climatiques fournies par WorldClim version 2.1 pour la période des années 1970-2000. Les valeurs rapportées sont des moyennes sur des périodes de 20 ans (2021-2040, 2041-2060, 2061-2080, 2081-2100) et pour différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre tels que définis par le CMIP6. Il est possible de choisir entre 4 scénarios (très limité -  limité - tendanciel et maximum si rien n'est fait). Une fois ces options choisies, la carte affiche par une flèche noire la ville actuelle qui a des caractéristiques climatiques équivalentes à celles qu'aura dans un futur plus ou moins proche le lieu qu'on a choisi. Des graphiques d'évolution permettent de faire des comparaisons assez précises entre ces villes jusqu'en 2100.

La possibilité de disposer d'une aide

Une aide graphique est fournie pour la prise en main du logiciel. La rubrique méthodes donne accès aux méthodes de calcul et aux données utilisées.

Aide graphique pour prendre en main l'application en ligne  (source : Climate Change Explorer)

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Atlas climatique interactif Copernicus


Au sujet du pouvoir émotionnel des cartes : « nous avons tous une carte en nous »

 

Ana Lucía González Paz, d'origine colombienne et visual journaliste à la BBC, explore le pouvoir émotionnel des cartes. Selon elle, « nous avons tous une carte à l'intérieur, un ensemble de coordonnées... qui fait de vous qui vous êtes ». Dans un très beau flipbook qu'elle a présenté au forum Geomob, l'auteure retrace sa géographie personnelle à partir de la cordillère des Andes et de la ville de Bogota où elle n'habite plus, mais dont elle a gardé le souvenir en elle.

« We all carry a map inside » écrit et cartographié par Ana Lucía González Paz (source : a-map-inside.webflow.io)

L'occasion de nous livrer un beau texte sur la carte comme support de mémoire et repère de vie : 

« Car oui, les cartes sont imparfaites.
Les grilles et les coordonnées
ne peuvent pas démêler
les lignes mutilées de la mémoire.
Mais elles me permettent d’être
à la fois voyageur et observateur
de ces lieux, de rendre 
 le passé et le présent visibles.
Elles racontent l'histoire 
des chemins que j'ai empruntés 
et de ceux que je n'ai pas empruntés. 
Des mauvais virages que j'ai pris 
et de ceux que je n'ai pas pris. »

Si vous souhaitez découvrir des entretiens avec des cartographes et des artistes réalisant des cartes, n'hésitez pas à écouter leurs témoignages (en anglais) sur le forum Geomob. Vous y trouverez notamment Chloé Bolland et ses cartes fantastiques, James Cheshire et son Atlas de l'Invisible, John Nelson et sa cartographie audacieuse... et bien d'autres surprises.

Articles connexes









Le monde luso-hispanique à travers les cartes : un guide de la Bibliothèque du Congrès

 

Ce guide de ressources, proposé par la Bibliothèque du Congrès à Washington, fournit une sélection de cartes manuscrites réalisées par des cartographes espagnols et portugais, ou dans des zones liées à l'Espagne et au Portugal. Il est issu de l'ouvrage The Luso-Hispanic World in Maps : A Selective Guide to Manuscript Maps to 1900 in the Collections of the Library of Congress, publié en février 1999 par John R. Hébert et Anthony P. Mullan. Une version en ligne de ce guide a été proposée en 2011. Elle a donné lieu à une mise à jour en 2024 de manière à intégrer les cartes cataloguées et numérisées depuis la première publication de cette bibliographie. Ce guide comporte aujourd'hui plus de 1000 documents accessibles sur le site de la Bibliothèque du Congrès : l'occasion de s'interroger sur la délimitation et a définition de ce "monde luso-hispanique" ainsi que sur l'imago mundi produite par ces cartes. S'il existe aujourd'hui une américanisation du monde, la mondialisation au XVIe siècle passait d'abord par son hispanisation. 

Atlas mondial (1630) de Joao Teixeira, cosmographe du roi du Portugal (source : Bibliothèque du Congrès)


Les cartes élaborées par les Portugais et les Espagnols

De nouvelles découvertes et explorations ont entraîné la nécessité d'améliorer les cartes au moment où le monde luso-hispanique commençait à se former au début du XVIe siècle. De vastes étendues des Amériques, de l’Asie, des océans Atlantique, Indien et Pacifique ont été découvertes et explorées permettant une compréhension du monde entier. L'Espagne et le Portugal étaient à l'avant-garde de cette expansion, permettant ainsi le passage progressif d'une Europe tournée vers l'intérieur à une Europe en quête de territoires et d'échanges commerciaux à l'échelle mondiale.

Cette poussée ibérique nécessitait des cartes soigneusement construites et précises concernant de vastes régions du monde restées jusqu’alors inconnues. Dès le début, les Espagnols et les Portugais ont été contraints, pour des raisons pratiques, de créer des agences spécialisées de cartographie pour fournir des informations précises qui puissent être mises régulièrement à jour. La volonté des deux puissances ibériques d’élargir les limites de la connaissance européenne du monde atlantique reposait sur des efforts importants, propres à chacun des deux royaumes. Au début du XVe siècle, Henri le Navigateur du Portugal a réuni les meilleurs cosmographes, navigateurs et cartographes pour compiler des informations sur le monde atlantique et la côte africaine. En 1507, le roi Ferdinand d'Espagne a établi le bureau du Piloto Mayor dans la Casa de Contratación à Séville pour rassembler les dernières données géographiques et cartographiques des terres nouvellement découvertes depuis le voyage de Colomb en Amérique en 1492. L'Espagne et le Portugal étaient à l'avant-garde de la connaissance géographique. Cet héritage s’est transmis tout au long de la période coloniale et se reflète dans les cartes élaborées par les Portugais et les Espagnols.

Le monde luso-hispanique correspond aux pays et régions du monde gouvernés par l’Espagne et le Portugal à l’apogée de leur puissance. Selon cette définition, toute l'Amérique latine, les Caraïbes, des parties importantes des États-Unis et du Canada actuels, diverses îles du Pacifique et de l'océan Atlantique, certaines parties de l'Asie continentale, les Philippines, des parties importantes des régions côtières d'Afrique et de la péninsule ibérique - en d'autres termes, une grande partie du monde peut être considéré comme faisant partie du monde luso-hispanique (non réductible uniquement aux régions parlant le portugais et l'espagnol).

Guide pour consulter les documents

Le Guide est construit sur la base d'un découpage géographique correspondant à la façon dont les Portugais et les Espagnols (se) représentaient le monde à l'époque. S'y ajoute un classement propre aux auteurs qui ont cherché à répertorier et classer les cartes à partir des pays actuels. De fait le Guide proposé par la Bibliothèque du Congrès participe à construire un regard et à s'interrroger sur ce que l'on qualifie de "monde luso-hispanique".

  • Introduction
    L'introduction présente les auteurs et la portée de ce guide, ce que l'on peut entendre par "monde luso-hispanique" et comment les cartes, par leur richesse et leur diversité, contribuent à la représentation de ce monde.

  • Atlas (1-9)
    Cette section contient des descriptions d'atlas (entrées numérotées de 1 à 9), principalement des portulans.

  • Cartes du monde (10-15)
    Cette section contient des cartes de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique.

  • Hémisphère oriental (16-26)
    Cette section contient des cartes de l'Asie et de la Méditerranée, alors considérées comme faisant partie de l'hémisphère oriental (Ancien Monde).

  • Hémisphère occidental (27-126)
    Cette section contient des cartes des Amériques, des Caraïbes et du Pacifique, alors considérés comme faisant partie de l'hémisphère occidental (Nouveau Monde).

  • Pays, États et villes (127-1006)
    Cette section présente des cartes de pays, d'États, de villes et de régions en conservant l'ordre numérique original de la cartobibliographie publiée par The Luso-Hispanic World in Maps. Chaque page couvre cinq pays classés par ordre alphabétique, à l'exception de la page relative aux États-Unis, qui comprend des cartes générales des États-Unis ainsi que des sections pour plusieurs États.

  • Documents divers (1007-1011)
    Les cartes de cette section montrent des lieux non identifiés, ne rentrant pas parfaitement dans les autres catégories. La plupart sont des cartes d’entraînement militaire.

  • Bibliographie sélectionnée
    La bibliographie sélective renvoie aux auteurs utilisés pour réaliser le guide.

  • Utiliser la Bibliothèque du Congrès
    La section présente le fonds documentaire de la Bibliothèque du Congrès qui possède des collections parmi les plus importantes au monde et donne des informations sur les conditions d'accès aux documents sous forme numérique ou en salle d'accès à la bibliothèque.

La Bibliothèque du Congrès propose d'autres guides de ressources classés par discipline et centres d'intérêt. Ces guides fournissent un moyen pratique d'accéder à des collections de cartes classées par époque, auteur ou thématique. Nous donnons ci-dessous la liste des guides concernant la rubrique "Géographie". En même temps qu'ils répertorient des ressources et favorisent un accès direct aux documents, ces guides construits par des conservateurs de bibliothèque contribuent à façonner notre imago mundi.

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La carte, objet éminemment politique. Carte-caricature et dispositif narratif


Ce billet est consacré à la présentation et l'analyse d'une carte humoristique extraite de la vidéo « Bienvenue en 2027 ». Produite par les Marioles (Blast), cette animation à caractère satirique met en scène Emmanuel Macron et Vincent Bolloré dans un bunker en 2027. L'occasion de mettre en évidence la place centrale des cartes dans le dispositif narratif. 

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast

La vidéo repose sur une vision dystopique et parodique de la France à la veille des prochaines élections présidentielles :

"Nous sommes en 2027, la France est à feu et à sang et tous les cauchemars d’aujourd’hui se réalisent. La température grimpe, les révoltes fracturent la France, l’économie chute. Emmanuel Macron se réfugie dans son bunker de l’Élysée où Vincent Bolloré l’a rejoint. Les deux hommes communiquent avec l’extérieur grâce à des moyens rudimentaires."

La carte de France apparaît une première fois subrepticement au début de la séquence après un monologue du président invitant tous les Français à le rejoindre dans une Union sacrée. Comme il est réfugié dans un bunker, il leur demande de le suivre à distance sur Radio 49.3.

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 2mn 10s


Cette carte de France en noir & blanc (plutôt prosaïque) contraste avec le planisphère en couleurs qui dans un plan précédent, montrait l'emprise mondiale de la Macronie depuis son bunker sous le palais de l'Elysée. Le planisphère est titré comme s'il s'agissait d'un jeu vidéo virtuel "Projet PC Jupiter 2024".
 
Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 1mn 38s)

Une troisème représentation cartographique intervient dans l'animation vidéo. Il s'agit d'un plan de Paris représenté sous la forme d'un plan de bataille, une sorte de jeu de plateau avec des troupes concentrées autour du palais de l'Élysée. Le plan est accompagné du dialogue suivant :
    - « La vraie France, la nôtre, ne se résume plus qu'au 8e et au 16e arrondissement de Paris" (Macron)
    - « Comme toujours non ?" (Bolloré)
    - « Bien sûr" (Macron)

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 7mn 56s)

Puis la vidéo revient sur la carte de l'Hexagone qui est montrée cette fois en gros plan. La carte joue un rôle central dans le dispositif narratif au moment où Vincent Bolloré essaie de convaincre Emmanuel Macron (desespéré de ne plus arriver à se maintenir au pouvoir) d'une stratégie politique pour reconquérir le pays :
« Là et là, pas d'intérêt...»
« Ici 4 millions d'islamo-gauchistes, écolos, communistes enragés, irrécupérables...»
« Là 6 millions de bons chrétiens, ton coeur de cible...» 

Extrait de l'animation vidéo « Bienvenue en 2027 » (source : Les Marioles - Blast, 8mn 40s)

Cette carte-caricature très réductrice est censée représenter la France d'en bas ("Les Ploucs", "Crétins des Alpes"), mais aussi les enjeux politiques et environnementaux qui menancent la France. Apparaissent pêle-mêle sur la carte "Le Pen" "Méluchon" "Les Chouans" "Sahara", mais aussi "terra incognita" (?) pour la Bretagne. 

Présentée comme "de loin le meilleur épisode depuis le début de la série des Marioles", la vidéo de Blast est l'objet de commentaires mitigés sur Youtube. Émission satirique basée sur des marionnettes, elle constituerait un timide remake des Guignols de l'info. Concernant l'authenticité des personnages, l'utilisation de l'IA peine parfois à convaincre, malgré des voix assez ressemblantes. Le scénario est un peu poussif avec une vidéo qui dure tout de même 14 minutes. La chute finale avec l'irruption de Sandrine Rousseau et les discours aux connotations contradictoires sur le plan idéologique viennent un peu obscurcir le message. D'aucuns apprécient malgré tout le ton corrosif conforme à l'engagement militant de Blast qui se réclame d'un journalisme critique et indépendant, « accessible au plus grand nombre pour aiguiser l’esprit critique et donner envie de résister et d’agir ».

Dans cette animation, on peut remarquer le rôle central joué par les représentations cartographiques. Au delà de son côté humoristique, cette carte de France vient inverser le référent en disant le réel, celui du monde "du dessus", par opposition à la vision "du dessous" à l'intérieur du bunker où sont reclus les décideurs coupés du monde réel. Une belle inversion des rôles par rapport à l'opposition classique entre la "France d'en haut" et la "France d'en bas". 

Cette vidéo de Blast fournit un bon exemple de l'utilisation des cartes à des fins politiques et témoigne de leur place souvent centrale dans le dispositif narratif. Les cartes satiriques sont utilisées depuis longtemps pour critiquer le pouvoir politique en place. En cela, l'exemple n'a rien de véritablement original. Il semble cependant que le genre se renouvelle avec le pouvoir de l'IA qui rend le dispositif narratif plus efficace et avec les réseaux sociaux qui participent à la diffusion massive de ces cartes animées. A l'heure de la désaffection pour les médias traditionnels, la satire politique serait-elle devenue, en France comme aux Etats-Unis, l'infodivertissement dont raffolent les milléniaux ?

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La carte, objet éminemment politique


Carte des travaux et oeuvres d'art réalisés par le New Deal (Living New Deal)


Living New Deal a pour objectif de faire connaître le New Deal et son vaste programme de lutte contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis dans les années 1930. Le site propose beaucoup d'informations (textes, images, chronologies, programmes, acteurs...) avec également des ressources pédagogiques disponibles de la maternelle au niveau K12 (Terminale).  

Le New Deal reposait sur des dizaines de programmes et d’agences créés par l’administration Roosevelt et le Congrès américain. Certains de ces projets ont été créés par la loi, d’autres par décret ; certains sont bien connus, d’autres non ; certains ont changé de nom ou ont été modifiés en cours de route ; certains n’ont duré que quelques années, d’autres existent encore. Le site recense une liste complète des programmes, avec pour chacun un résumé de la loi, son agence, ses objectifs et ses réalisations, ainsi que ses acteurs clés et son héritage. Cette recension s'appuie en grande partie sur des sources primaires qui sont citées.

Une carte interactive montre les travaux publics et les œuvres d'art du New Deal. Chaque site est signalé par un point, ce qui donne une idée de l'ampleur des travaux lancés à l'époque (avec une concentration plus grande dans les villes). 

Cartographie des travaux et oeuvres d'art réalisés par le New Deal (source : Living New Deal)

Les sites sont classés par catégorie et par agence. Un clic sur la légende permet de sélectionner une catégorie :

  • Archéologie et histoire
  • Oeuvres d'art
  • Installations civiques
  • Éducation et santé
  • Établissements fédéraux
  • Foresterie et agriculture
  • Infrastructures et services publics
  • Sécurité militaire et civile
  • Parcs et loisirs
Le site comporte des fiches d'information détaillées sur chaque projet. Il s'agit d'un site contributif ouvert à l'envoi de compléments. Le site se veut également militant : il invite à "reconstruire l'Amérique" et à proposer un nouveau New Deal pour le XXIe siècle.

Pour compléter

En complément, voici une carte de 1935 qui faisait déjà à l'époque la promotion des travaux du New Deal. Intitulée P.W.A in Action, la carte est à découvrir dans la collection Persuasive Maps de la Bibliothèque de l'Université de Cornell (également téléchargeable sur le site du Leventhal Map & Education Center Map). La Public Works Administration ou PWA (Agence des Travaux publics) était un organe gouvernemental créé en juin 1933 dans le cadre du National Industrial Recovery Act de la politique de New Deal, instituée par le président Roosevelt. Remplie d'images colorées, cette carte picturale met en avant les projets financés par l'Administration fédérale. Dans le cadre du New Deal, l'Administration des Travaux Publics a dépensé plus de 6 milliards de dollars en projets entre 1933 et 1938. Le texte qui figure au bas de la carte vaut en soi programme politique : 

Off relief rolls on to pay rolls
A map showing how the Public Works program is Building a Greater Nation - Making jobs for Men and Factories - How it Conserves Resources and Harnesses Rivers - How Finer Transportation is being Created and Land Saved for Better Use 
["Des listes d'aide aux listes de travail. Une carte montrant comment le programme de travaux publics construit une nation plus grande, crée des emplois pour les hommes et les usines, comment il préserve les ressources et exploite les rivières, comment des transports plus performants sont créés et des terres préservées pour une meilleure utilisation"]

Le titre de cette notice "Off relief rolls on to pay rolls" renvoie à l'idée qu'il est préférable de gagner de l'argent par son travail que de voir son nom inscrit sur des listes pour obtenir de l'aide. La carte elle-même montre un large éventail de projets dans presque tous les États de l'Union, avec la construction de barrages, de ponts, de systèmes d'égouts, d'écoles, de musées, d'autoroutes, d'hôpitaux, etc. Des étiquettes apparaissent à côté de chaque projet, certaines ayant valeur de slogans : 

« LOGEMENT – Autrefois bidonvilles sordides d'Atlanta, maintenant appartements modernes à loyer modique »
« SANTÉ – ​​Le plus grand chantier d'ingénierie sanitaire jamais réalisé – les égouts et les usines de traitement de Chicago »,
« ÉCOLES – Pas d'école buissonnière ici : les jeunes de l'Utah étudient dans de nouvelles salles de classe joyeuses ».

Une rose des vents portant les initiales « PWA » apparaît en haut à droite, un soleil souriant surgit derrière les nuages ​​​​au large des côtes de Californie et des illustrations des scènes de quelques grands projets sont placées aux coins de la carte.  

Voir également cette affiche américaine de la campagne électorale de Roosevelt de 1940 montrant les réalisations du New Deal. Publiée par le Parti travailliste américain (ALP), l'affiche met en comparaison les scènes de misère de l'Amérique de Hoover en 1932 avec les scènes pleines d'espoir des réformes du New Deal, grâce à des salaires plus élevés, des loyers bas et une sécurité sociale. 

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